.Jalal Talabani rejette complètement le contenu dudit dossier. « Impartial » et « injuste ». Quelle vérité se cache derrière cette levée de boucliers ? Ce que le président irakien ne prend pas la peine d’expliciter est pourtant limpide : Talabani, de la minorité kurde, a eu énormément de mal à réunir un gouvernement de compromis pour partager le nouveau pouvoir avec les différentes factions ethniques et religieuses qui composent l’Irak. Plusieurs objectifs ont guidé ce fragile consensus, parmi lesquels une volonté farouche de préserver au maximum Bagdad des influences régionales (comprendre l’Iran et la Syrie), de dégager une constitution qui satisfasse la majorité, et de rééquilibrer un pouvoir trop longtemps confisqué par les sunnites, et notamment le parti bassiste. Or, ce que propose le rapport Baker, c’est précisément de réintegrer les bassistes dans le gouvernement irakien, de faire réviser la constitution irakienne par l’ONU, et de faire en sorte que Washington se rapproche ouvertement de Téhéran pour trouver une sortie à la crise Irakienne.

Reste à savoir de quel côté observer le dilemme. Côté Baker, on comprend les motivations des solutions proposées. En ces temps d’instabilités, il est important de discuter avec toutes les parties, bassistes inclus. La constitution, sponsorisée par les USA, a besoin de se dégager de ce parrainage lourd à porter dans le Moyen Orienta actuel et cherche une légitimité internationale que seule l’ONU peut lui garantir. Quant au rapprochement avec Téhéran, il semble indispensable pour endiguer l’approvisionnement des milices chiites qui déstabilisent l’Irak. Côté Talabani, on sait à quel point cette constitution a été dure à construire, et que le mieux est souvent l’ennemi du bien : le régime n’est certes pas parfait, mais il tient au moins debout. Le Liban donne une juste mesure de la difficulté de construire un gouvernement multipartistes dans cette région du monde.

Voici pour la lecture positive.

Un autre angle d’attaque pourrait faire l’affaire des observateurs plus pessimistes. Côté Baker, on a pas oublié que le président de la commission Iraq Study Group, James Baker, est l’ancien secrétaire d’état de Bush senior, partisan essentiel du maintien de Hussein en 1990. Pour quelles raisons ? Peut être une stabilisation de la région qui saute aux yeux aujourd’hui. Ou peut être pour des raisons moins louables qui le conduisent aujourd’hui à préconiser un retour des bassistes. Côté Talabani, on ne mentionne pas que le rapport Baker préconise la mise sous tutelle internationale de Kirkuk, ville au centre de tensions communautaires très vives. Coincidence troublante, Kirkuk est une ville stratégique par la richesse de son sous sol, ville que les Kurdes essaient depuis longtemps d’intégrer dans leur région nordique.

via Sentenza.